⁨⁨L'Union Marocaine⁩, 14 June 1934⁩ — Les Arts et les Belles-Lettres [⁨ARTICLE⁩]

Les Arts et les Belles-Lettres

DANS LES BEAUX-ARTS A la Maison de France , avenue des ChampsElysées à Paris , vient de s ouvrir , sous le patronage de M . Berthod , Ministre de lEduca- i tion Nationale , le Salon de la Société des Femmes Artistes Modernes , présidée par la i célèbre paysagiste Mme A . Camax Zoegger et dont le Comité d Honneur compte les personnalités suivantes : Anatole de Monzie , ancien Ministre ; Arsène Alexandre . Inspecteur- genéral des Beaux-Arts : Bollaert , Directeur Beaux-Arts ; Jacques Bielinky , homme des HP lettres ; François Carnot , Directeur de la

Manufacture des Gobehns : Pierre mua ,, Directeur des Beaux-Arts de la Ville de Paris : Armand Dayot . Inspecteur gênerai des Beaux-Arts : André Dezarrois . Conservateur des Musées Nationaux : Raymond Eschohcr . Conservateur du Petit Palais : Grokowsky . Conservateur du Petit Palais : O . Hautecoeur , Conservateur du Musée du Luxembourg ; Paul Jamot . Conservateur du Musée du Louvre . Membre de lAcadémie : Henri de JouvenelAmbassadeur Guillaume

, de France : Janrieau , Conservateur du Mobilier National ; j Gustave Kahn , homme de lettres ; Justin Laurens , Inspecteur honoraire des Beaux- j Arts de la Ville de Paris ; Louis Metman , Conservateur du Musée des Arts décoratifs ; Moullé . Directeur du Bureau des Travaux dArts au Ministère des Beaux-Arts : Paul Léon . Membre de 1 Institut , professeur au Collège de France ; Robert Rey . Conservateur du Musée de Fontainebleau ; Georges Turpin . homme de lettres ; Paul Valéry , de lAcadémie 1 Française : Henri Verne , Directeur de .

Musées Nationaux . , Parmi les exposantes , se trouvent les meil- • leurs artistes Israélites de Paris , telles que Btergson , la fille de l illustre philosoJe-. nne Davidson , dont les t \ he • Anna Bass . Bessie oeuvres se trouvent au Musée de Luxembourg : Alice Hoherman : Bettina Klein . 1 expeintre alsacienne : Lydia Mandel ; cellente Mêla Mutter : Georgette Nathan : Maxa Nordau ; Ghana Orloff : Solange Schaal . etc .. Dirigé avec maîtrise et goût par Mme Camax Zoegger , le Salon des F A . M . représente

une brillante sélection de l apport féminin à l art moderne . •» . * . Au Salon du Groupe Moderne , créé par Mme Lucie Caradek , artiste peintre bien connue , qui vient de s ouvrir à la Galerie Petit , participent également quelques artistes Juifs dont voici les noms : Elysée Cavaillon , peintre et sculpteur , professeur à lEcole Normale Orientale Israélite ; Léon Droucker , statuaire ; Francis Honburger ; Juliette Isaac ; Lydia Mandel : Armand Nakache , dont nous avons eu déjà loccasion de parler dans « L Union Marocaine . ; Maxa Nordau , la fille du célèbre ! écrivain sioniste ; Renée Unik ; A . Wenbaum .

REVUE DES LIVRES Eugène Jung , Ancien Vice-Résident de Fraiv j oe au Tonkin . LIslam se défend , Paris 1934 . j Par ses travaux antérieurs , l auteur s est , montré champion ardent de la cause musuli mane . Il réciame le respect pour 375 millions travers

de disciples de Mahomet , disperses a tant de pays , sétendant du Maroc au fond de lAsie Appel passionné au réveil de cette masse qui parait abandonner le Mektoub traditionnel pour entrer dans l activité politique à limage de lEurope . L auteur est hostile naturellement à lEglise Catholique et au Sionisme ¦ En tout cas , nous devons aflrmer que • les Juifs ne pourront jamais posséder la Palestine . écrit-il . Les Arabes sont absoluI ment décidés à empêcher la réalisation des : projets Anglo-Juifs ... » Bi * n entendu , lentrée de lIslam dans la

société moderne ne trouverait que de la sympathie chez les Juifs , qui n oublieront jamais l exode dEspagne et lhospitalité et la tolé- i rance de la Vieille Turquie . Mais serait-il de bonne politique de surexciter les velléités d un panislamisme latent qui . dans sa poussée , pourrait menacer gravement les intérêts légitimes des grandes puissances à forte population musulmane . Or . la France est en tête de celles-là et c est au nom du prestige de la France que M . Jung réclame plus de justice pour les Arabes ...

On agite lidée , - d une confédération , musulmane qui serait redoutable si elle englobe réellement 315 millions dêtres hu- j mains . Mais existe-t-il une confédération mondiale catholique , protestante ou israélite ? ... Pourquoi réveiller les spectres du passé avec des guerres de religions et de races ? ... Sefralom A . sqh , PetersbouHg , roman ( Editions Bernard Grasset , Paris 1934 ) . On connaît peu en France , la littérature yidisch , riche et pleine de sève et si intimement liée à Orien

la vie des millions de Juifs de 1 Europe - tale . Schalom Asch en est le plus brillant représentant , et son roman , Pétersfcourg , premier d une triologie , nous révèle la Vie Juive à lépoque la plus grandiose de la guerre et de la révolution russe qui bouleversèrent radicalement le statut politique , national et social de lEst européen . Mais nous nous réservons détudier phis amplement cette épopée quand les trois volumes auront paru à Paris . Joseph Kessel . Staviski . lhomme que j ai . connu , « Editions N . R . F . Gallémard . Paris

13 ^ 41 . Reportage sincère , vécu et courageux , avouonsle en tenant compte de la débandade générale de ceux qui naguère , cherchaient des faveurs du génial aventurier et qui . aujourdhui , effacent . fébrilement toute Lrace de relations avec lui ... On cherchait à rattacher Staviski au judaïsme . En effet , quelle arme il aurait pu

fournir aux antisémites en quête de scandales ï ... Seulement , l abondance des aryens » dans l affaire rendit leurs efforts stériles . Le Judaïsme l a échappé belle ... et le Maroc faillit passer pour « une colonie pénitentiaire « et recevoir un ancien préfet tombée en disI grâce ... Joseph Kessel , conteur merveilleux , sait dire franchement et crânement ce quil connaît . Mérite exceptionnel à notre époque . Weil

Bruno , Panama , ( Edition Bernard Graaset , Paris 1934 ) . L affaire Staviski a donné un regain dac- i tualité à ce scandale qui , il y a une quarantaine d années , faillit ébranler les assises de la République . L auteur , un Juif allemand , en ! nous donnant un exposé historique de l af- [ faire , fait surgir des analogies singulièrement troublantes pour notre époque . Décidé- , ment , sur le plan politique , comme ailleurs . I les mêmes causes produisent les mêmes effets . ! et même les intrigues antisémites ne man-, 1 quaient pas , dont Edouard Drumont se fai

sait ; ( artisan actif dans sa volonté de faire retomber sur un juif — Cornélius Hertz — toute la responsabilité du scandale , en dépit de l évidence à la fois Juridique et politique . Deroulède , peu suspect de phïlosémitisme , parlant de C . Hertz dans l organe de la Ligue des Patriotes , le qualifiait > déminent électricien américain , qui a rendu à la France des services si éclatants ... Devant les très nombreuses compromissions , laffaire fut liquidée par une absolution géné

rale . Un voile fut juridiquement jeté sur ce fatras de paperasseries où les fatidiques carnets de chèques étaient particulièrement abondants . Mais toute la vérité ne sera connue qu en 1951 . Car , d après les déclarations de Joseph Reinaeh , faites à l auteur peu avant sa mort , tous lés dossiers de cette formidable affaire , déposés aux Archives Nationales et à la Bibliothèque Nationale , ne pourront pas être livrés au public avant cette date . Il y a même une liasse de papiers particulièrement importants qui ne seront rendus publics qu en l an de grâce deux mille dix . Il y a là une ï intention évidente d attendre la disparition î totale de tous les contemporains de laffaire .

Ceci nous force à poser la question : en i quelle année le bon peuple de France pourra-t-il connaître toute la vérité sur laffaire Staviski ? .... Paul Morand , France la Doulce , Editions N . R . F . Gallimard . Paris 1934 . « En défendant les Français , je revendique simplement pour eux le droit des minorités » , écrit l auteur dans la préface de ce livre mordant , ironique , vigoureux , qui soulève , non sans élégance , le voile sur un monde où j grouille une humanité bizzare . assemblée là , j sous le beau ciel de France , mais venue des i quatre points cardinaux pour encombrer lin

dustrie cinématographique dans ses débuts aventureux . Monde peu reluisant , en effet , dont le niveau moral parait être assez bas . : Des réfugiés allemands n y manquent pas non plus , avec toutes leurs misères et avatars . Voici une scène cocasse de la réception de i ces réfugiés au Comité des Champs Elysées . Le secrétaire s adresse à un bonhomme : •¦ Comment voue appelez-vous ... Rappoport ... Combien d enfants ? ... Douze . Profession ? .., Cultivateur ... Enfin ! Soupira lhomme au registre . Vous êtes le premier ! que cultivez-vous ? ... > Le réfugié répondit doucement : La Métaphysique ... u

Le « métaphysicien » n a pas trouve , bien entendu , à s employer dans sa « culture » , mais t il trouva le mot de la fin . : La France , c est véritablement 1 * camp de concentration du ; Bon Dieu ! ... » j Tristan Bernard , Paris-Secret , ( Albin Mij chel , éditeur , Paris 1934 > . Le grand écrivain qui , si spirituellement , manifeste parfois son attachement à la communauté israélite , possède le talent vraiment termes amusants et

original de parler en anodins de faits parfaitement criminels , et ce roman à allure policière finit d une façon fort honorable , à l ahurissement du lecteur qui sattendait à un dénouement moins idylique . Tout finit par s arranger dans cette histoire joliment contée . La philosophie humoristique de Tristan Bernard serait le meilleur dérivatif en notre époque de préoccupations déprimantes . J . BIELINSKY ??